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ALEXANDRE BOMPARD, LE FUTUR PATRON DE CARREFOUR


Alexandre Bompard, P-DG de la Fnac Darty, devrait devenir patron de Carrefour ces jours-ci. ©Fnac.

Diplômé de Sciences Po et de l’ENA, Alexandre Bompard débute comme inspecteur des finances. Après avoir été conseiller technique auprès de François Fillon au ministère des Affaires sociales et du Travail en 2003, il rejoint Canal+ en 2004 en tant que directeur de cabinet de Bertrand Méheut, le président de l’époque. Suivront un poste de directeur des sports sur la chaîne cryptée puis la place de P-DG d'Europe1 en 2008. En 2011, il devient P-DG de la Fnac et rachète Darty cinq ans plus tard. Pressenti pour succéder à Georges Plassat à la tête du groupe Carrefour, l'arrivée d'Alexandre Bompard devrait être officialisée le 9 ou 12 juin, selon des sources proches.

Son premier rôle de méchant

Sorti dans la “botte” de l'ENA, au quatrième rang, il choisit l'inspection des Finances. Son premier boulot de “méchant”... Envoyé à Toulouse pour auditer la trésorerie principale, il a déboulé un matin à l'improviste, avant l'arrivée du premier usager, et hurlé à l'accueil : “Inspection générale des Finances ! Veuillez fermer l'établissement.” Le caissier, plus tout jeune, s'est figé derrière son comptoir. Tétanisé. “Il est resté comme ça pendant trois minutes : j'ai cru que je l'avais tué”, raconte Bompard. Sa mission suivante, au centre des impôts de Saint-Tropez, se passera mieux : il supervisera la saisie des yachts et des berlines de luxe des fraudeurs du fisc.

Ses soutiens pendant l’offensive sur Darty

Pour lancer son OPA sur Darty, le P-DG a eu un conseiller de choix : François Pinault “himself”. “Il est habitué aux grands combats, c'était formidable de l'avoir à mes côtés !”, nous a raconté Bompard. Autre appui décisif : celui d'Eric Knight, le fondateur du fonds Knight Vinke, majoritaire chez Darty. “Dès notre première rencontre au George-V, le palace parisien, on a sympathisé, nous a expliqué Eric Knight. J'ai été séduit par sa vision.” Dernier homme clé, l'associé gérant de Rothschild Cyril de Mont-Marin. Un banquier d'affaires en qui il pouvait avoir confiance : c'est un ami de lycée et un témoin de mariage.

Une épouse au gouvernement

Il a rencontré sa future femme, Charlotte, à Sciences Po. Celle-ci est une magistrate au parcours éloquent : ministère de la Justice, tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), Tracfin, l'organisme de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement de terrorisme. Elle vient de quitter le parquet de Paris pour devenir conseillère pour la justice auprès du nouveau Premier ministre Edouard Philippe.

Ses angoisses d'ado

Ce spécialiste du foot est né à Saint-Etienne. “A 300 mètres du stade Geoffroy-Guichard”, aime-t-il à rappeler. Sauf qu'il n'a jamais vécu dans l'ancienne cité minière. C'est à Megève, un coin beaucoup plus chic, qu'il a passé son enfance. “Elève sérieux et bosseur”, se souvient Daniel Rastello, son ancien prof de maths au collège. Ses parents tenaient à l'époque une boutique de prêt-à-porter haut de gamme. Alain, le père, était un “baron” local : patron du RPR de Haute-Savoie, il est devenu maire adjoint de Megève en 1983. Son grand dessein ? Faire de la bourgade alpine un haut lieu... de la thalassothérapie. “Bompard veut amener la mer à la montagne !”, ironisait alors l'hebdomadaire satirique Le Faucigny, le Canard enchaîné local. Pendant des mois, l'élu s'est ainsi fait brocarder. Au grand dam de son fils, qui redoutait chaque vendredi de voir son patronyme dans le journal.

Accro de la petite balle jaune

Le samedi matin, Alexandre Bompard file à Roland-Garros où il va taper la balle avec son ami Fabrice Santoro. “Je suis sans doute le patron français le plus passionné de tennis”, nous confiait en 2016 ce patron quadra. Il assiste régulièrement au “jeudi des amis”, des rencontres organisées par l'ancien pro Pierre Barthès. L'occasion d'échanger avec un autre proche, Jean Gachassin, président de la Fédération française de tennis. Deux ans de suite, il a remporté le “tournoi des patrons” sur le central du célèbre stade parisien. En 2014, ce fan absolu de Roger Federer, qu'il a rencontré, s'est même imposé dans celui de Wimbledon face au numéro 2 mondial de Microsoft. Un grand chelem !

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Son "non" à Matignon

François Fillon avait apprécié son travail au ministère des Affaires sociales. Devenu Premier ministre en mai 2007, il lui a proposé de le rejoindre à Matignon comme directeur adjoint de cabinet. Refus poli de l'intéressé. “Alexandre a gardé un très bon souvenir de leur première collaboration, raconte son copain Christophe Barge, fondateur de Timée, une petite maison d'édition dont Bompard est actionnaire. Mais il a mesuré, aussi, les limites de l'action publique.” Commentaire d'un de ses ennemis à Canal : “Il a surtout eu peur de retourner dans l'ombre…”.

Sa passion mystérieuse pour les FFI

Admis en classe de seconde au lycée Berthollet d'Annecy, Alexandre dévorait dans son studio les livres consacrés à la Résistance. “Je suis incollable sur les réseaux, leurs faits d'armes et leurs chefs”, a-t-il affirmé à Capital. Pourquoi cette fascination ? “C'est une histoire personnelle”, qu'il refuse de raconter. “Il est hanté par une question, témoigne un proche : pourquoi des hommes ordinaires, dans un contexte extraordinaire, choisissent un camp plutôt que l'autre.”

Sa poignée de main à Bill Clinton

Après Sciences po Paris, le Savoyard entre à l'ENA et effectue son premier stage à la préfecture de Lyon, à l'été 1996. Coup de chance : la ville organise le G7, le sommet international des chefs d'Etat. Un soir, à la nuit tombée, Air Force One se pose sur le tarmac de l'aéroport de Bron. Bill Clinton salue en silence les officiels français venus l'accueillir. Briefé dans l'avion sur le CV de chacun, il s'arrête devant Bompard et lui lance dans un grand éclat de rire : “I know you ! Same school as Jacques Chirac !” (“Je vous connais ! Vous avez fait la même école que Chirac !”) Le jeune énarque en est resté sans voix. Quelques mois plus tard, il s'envolera pour New York suivre son second stage chez les cost-killers du cabinet McKinsey.

Ses camarades patrons

Que du beau monde ici. Arthur Sadoun, nouveau patron du groupe publicitaire Publicis. Jacques Veyrat, brillant polytechnicien à la tête du fonds Impala. Ou encore Xavier Niel, qu'on ne présente plus. “Nous faisons partie d'une génération du capitalisme français un peu différente de ses prédécesseurs, nous a expliqué le patron de Free l’an dernier. Sur la façon d'appréhender nos métiers ou sur nos responsabilités vis-à-vis de notre pays.” Bompard a quand même des conseillers aux tempes grises. Henri Lachmann, ex-P-DG de Schneider Electric. Ou Alain Minc, dithyrambique : “Il est dans le business ce que Macron est en politique : moderne, vif, séduisant.”

Son rapport filial avec Bertrand Meheut

Face aux cadres de Canal Plus qui complotaient contre son protégé, Bertrand Meheut, le patron de la chaîne cryptée à l'époque, a toujours eu cette réplique cinglante : “On ne touche pas à Alexandre.” “Ils s'entendaient comme père et fils”, témoigne un manager de la chaîne. Leur première rencontre a pourtant relevé du quiproquo. Fin juillet 2003, le Sénat vota le projet de loi sur les retraites de François Fillon. Conseiller du ministre, Alexandre Bompard s'apprêtait à fêter ça quand son portable a sonné : “Bonjour, ici Bertrand Meheut. Je voudrais vous voir.” “Je ne comprenais pas ce qu'il me voulait”, sourit-il. A tout hasard, dans la voiture qui le conduisait au siège de Canal, le haut fonctionnaire a listé sur un bout de papier les conséquences de la loi sur les salariés des chaînes de télé. Sur place, tout s'éclaire : Meheut lui propose de diriger son cabinet. Un an plus tard, il en fera son directeur des sports. Un job stratégique à Canal, premier bailleur de fonds du foot français.

Son côté monomaniaque

Costume noir, chemise blanche sans cravate, souliers pointus : depuis qu'il a quitté la fonction publique, le benjamin du PAF arbore chaque jour le même uniforme. Pour ses vacances aussi, le choix est réduit : c'est Rome, Venise ou Florence. “Je pourrais y retourner cent fois, sans me lasser”, nous confessait cet amoureux de la Renaissance italienne. Il pourrait mais... “Le problème, c'est qu'il a le plus grand mal à s'accorder des breaks”, constate son copain Laurent Vallée, avocat chez Clifford Chance. Pas facile d'être PDG et père de trois filles. Sa nomination à la tête du groupe Carrefour, présent aux quatre coin du monde, ne risque pas de lui laisser plus de temps libre !

Ses amis dans les médias

Un tour de force ! Dans un monde médiatique plein de vacheries, Alexandre Bompard passe entre les gouttes. Chez Canal, on lui connaissait un adversaire, Rodolphe Belmer. “Un temps, il y a eu une forme de rivalité entre nous, mais cela n'a jamais dégénéré, nous a assuré l'ancien DG de la chaîne. Il nous arrive de dîner ensemble chez Frédéric Mion (président de Sciences po), un ami commun.” Arnaud Lagardère n'avait pas goûté la candidature (ébruitée) de l'ancien patron d'Europe 1 à France Télévisions. Mais tout est arrangé. “Alex” a surtout beaucoup d'amis. Parmi les patrons : Christopher Baldelli (RTL) ou Gilles Pélisson (TF1), qu'il a rencontré dans une tribune de l'Olympique lyonnais quand il dirigeait les sports de Canal. Ou parmi les animateurs : Laurent Ruquier, Nicolas Demorand et le très proche Marc-Olivier Fogiel, qu'il avait nommé à la matinale d'Europe 1. “J'avais refusé le poste deux mois avant l'arrivée d'Alexandre, nous a confié le journaliste. Je suis venu pour lui : s'il avait été patron de la Fnac à ce moment-là, je serais parti à la Fnac.”

Journal Capital PUBLIÉ LE 07/06/2017 À 12H25 MIS À JOUR LE 07/06/2017 À 12H25 Par Jean Botella et Arnaud Bouillin

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